Suivi de la végétation des bords de l’Allier dans le cadre de l’aménagement du nouveau barrage de Poutès.

Avec une longueur de près de 1000 km entre sa source au Moure de la Gardille et l’estuaire de la Loire, le « fleuve Allier » (qui d’un point de vue morphologique est rejoint par le fleuve Loire au Bec d’Allier, même si ensuite le cours d’eau prend le nom de Loire …) constitue le dernier grand cours d’eau « sauvage » d’Europe de l’Ouest et abrite une biodiversité remarquable. Le Saumon atlantique, dont les populations autrefois considérables faisaient de Brioude la « capitale du Saumon », est passé près de l’extinction, du fait de la surpêche et de la dégradation de ses habitats (pollution, dégradation des frayères, artificialisation des cours d’eau rendant difficile sa longue migration, etc.). De nombreuses autres espèces, aquatiques ou liées à la fonctionnalité du cours d’eau, en ont également pâti.
Construit en 1941, le barrage hydroélectrique de Poutès fait l’objet de travaux de modernisation visant notamment à réduire ses impacts environnementaux tout en continuant à produire de l’électricité. En effet, l’ancien barrage, d’une hauteur de 17 m, et sa retenue d’eau longue de 3,7 km de long se sont avérées néfastes aux poissons migrateurs et à la fonctionnalité hydrologique et sédimentaire du tronçon de l’Allier situé entre le barrage et l’usine hydroélectrique de Monistrol d’Allier (dit TCC ou « Tronçon court-circuité », car amputé d’une partie du débit et de sa fonctionnalité).
Le projet initial (http://www.nouveau-poutes.fr/fr) prévoyait, selon EDF, de faciliter la montaison et la dévalaison des poissons migrateurs. Un dispositif laisserait en outre passer les petites crues, dites « morphogènes », indispensables à la fonctionnalité du cours d’eau (déplacement des sédiments, rajeunissement de la végétation...). L’effet des nouvelles installations sur la fonctionnalité hydrologique de l’Allier, sur les espèces et les végétations dépendront des caractéristiques techniques définitives du nouvel ouvrage, qui sont encore à l’étude.
C’est dans le cadre de ce projet qu’EDF a confié au Conservatoire botanique national du Massif central le suivi de la flore et des végétations des berges de l’Allier. Un dispositif de transects cartographiques a pour cela été installé, non seulement dans le TCC, mais aussi dans un tronçon situé en amont (TAM) du barrage, afin de disposer d’un témoin non soumis à l’influence du barrage. Ceci permettra à l’avenir de suivre l’évolution du TCC consécutivement aux travaux et de vérifier l’influence de ces derniers indépendamment d’autres paramètres extérieurs.
Au travers des 2 placettes et des 14 transects cartographiques, couvrant 945 m linéaires, c’est près d’un hectare de terrain qui a fait l’objet d’un relevé minutieux de la flore et d’une cartographie de la végétation ayant permis d’observer 345 espèces végétales.
Les résultats obtenus grâce à cette première lecture du dispositif livrent d’ores et déjà des résultats intéressants, qui confirment l’impact du barrage actuel sur les végétations alluviales, justifient l’intérêt de son réaménagement, et confirment toute la richesse écologique du secteur. Les différences de végétation existant entre les tronçons court-circuité et amont, peuvent être imputées à l’ancien barrage, sur le point d’être entièrement modifié.
L’Aulnaie-Frênaie à Baldingère faux-roseau, d’intérêt communautaire prioritaire occupe en effet des surfaces beaucoup plus importantes et continues au bord du TCC qu’au bord du TAM, mais ce au détriment d’autres types de végétation. Ces dernières se font beaucoup plus rares sur le TCC, notamment la Saulaie à Saule Pourpre ou des formations à hautes herbes d’intérêt communautaire. Ceci peut être expliqué par une dynamique alluviale moins importante sur le TCC, avec des crues moyennes écrêtées par le barrage, permettant le développement plus important des aulnes, rarement brisés ou arrachés par le courant.
L’observation de la granulométrie de l’horizon de surface met également en évidence un déficit de sédiments fins sur le TCC, traduisant une perte de fonctionnalité du cours d’eau que le nouveau barrage est amené à corriger. On observe la présence atypique sur les rochers et éboulis non recouverts d’alluvions d’un type de forêt qui ne se rencontre habituellement pas dans ce contexte : la Tillaie sèche sur blocs à Gesse noire. Il s’agit certes d’un habitat d’intérêt prioritaire au titre de la directive « Habitats » (9180, « Forêts de pentes, éboulis ou ravins du Tilio-Acerion »), dont la présence pourra être très localement remise en question par le retour à un fonctionnement plus naturel de l’Allier, mais cette évolution sera compensée par une amélioration de la fonctionnalité et de la naturalité de l’écosystème, bénéfique à de très nombreux autres milieux et espèces d’intérêt communautaire ou régional.
À terme, la recolonisation de la végétation sur les berges de la future retenue, d’une surface beaucoup plus modeste que celle de l’ancien « Poutès », pourra également être suivie, au moyen de deux transects cartographiques en particulier pour anticiper l’éventuel développement d’espèces exotiques envahissantes. Enfin, la restauration des deux prairies impactées par les travaux pourra être suivie au moyen de deux quadrats.
Benoît RENAUX