Un état des lieux de la flore sensible aux perturbations climatiques en Limousin

En 2016, dans le cadre de sa convention avec la Région Nouvelle-Aquitaine, le Conservatoire botanique national du Massif central a étudié trois espèces particulières afin d’évaluer l’impact éventuel de ce réchauffement sur la flore en Limousin...
Le réchauffement climatique est un phénomène global de transformation du climat caractérisé par une augmentation générale des températures moyennes (notamment liée aux activités humaines), et qui modifie durablement les équilibres météorologiques et écosystémiques. Depuis le début de la révolution Industrielle, les températures moyennes sur terre ont augmenté plus ou moins régulièrement pour atteindre, en 2016, 1 à 1.5 degré au-dessus des températures moyennes de l’ère préindustrielle (avant 1850).
La flore réagit de deux manières aux perturbations climatiques : soit par des ajustements spatiaux (modification des aires de répartition), soit par des ajustements temporels (modification de la phénologie). Son absence ou sa présence constitue alors un bon indicateur du suivi et un excellent outil de veille des perturbations climatiques.
Dans le cadre de sa convention avec la Région Nouvelle-Aquitaine, afin d’évaluer l’impact éventuel de ce réchauffement sur la flore en Limousin, trois espèces à tendance cryophile ont été sélectionnées et étudiées en 2016 par le Conservatoire botanique national du Massif central pour servir d’état de référence : la Cardamine à sept folioles (Cardamine heptaphylla), la Joubarbe à toile d’araignée (Sempervivum arachnoideum) et le Séneçon fausse-cacalie (Senecio cacaliaster).
La Cardamine à sept folioles (Cardamina heptaphylla).
La tendance cryophile de ces espèces fait, qu’en dehors des zones boréales et montagnardes, leur répartition est restreinte et localisée. Les stations de basse altitude (inférieures à 700-800 mètres), c’est-à-dire situées à l’étage collinéen, voire planitiaire, sont donc naturellement vulnérables et seront, très probablement, les premières à être impactées par le réchauffement global.
La Joubarbe toile d'araignée (Sempervivum arachnoideum).
Le choix de ces trois espèces parmi une soixantaine d’espèces d’affinités montagnardes présentes en Limousin répondait à plusieurs critères :
- ces espèces ne posent pas de problèmes de détermination (cette difficulté aurait pu constituer un biais dans le cadre de suivis sur le long terme) ;
- l’indigénat de ces espèces est bien établi tandis qu’un nombre suffisant de populations peut être observé dans le cadre d’un suivi à long terme ;
- les populations de ces espèces ne se trouvent pas en situation atypique (station abyssale…);
- ces espèces possèdent une répartition altitudinale restreinte et leur migration à d’autres altitudes est peu probable ;
- ces espèces ne sont pas inféodées à des habitats en raréfaction ou en voie de dégradation, ni placés dans une dynamique d’évolution (l’altération ou l’évolution du milieu pourrait constituer un biais important dans le cadre du suivi) ;
Pour chacune de ces trois espèces, le conservatoire botanique a procédé à la recherche, à la vérification et à la visite des localités référencées dans son système d’informations Chloris®. Certaines stations ont ensuite été sélectionnées pour servir de localité de référence (stations témoins) après avoir vérifié leur chance de durabilité et la probabilité pour que les éventuels effets du réchauffement climatique s’y observent plus précocement du fait de leur situation à basse altitude (collinéen inférieur).
Le Séneçon fausse-cacalie (Senecio cacaliaster).
Ces états de référence, minutieusement consignés, permettront d’alimenter les réflexions relatives à l’impact du changement climatique sur la flore dans le cadre d’un suivi phénologique à long terme.
Deux limites apparaissaient à cette étude. L’une de fond : le risque est grand de voir disparaître précocement les taxons visés, en raison de l’altération ou de la destruction de leur habitat, plutôt que pour des causes climatiques. L’autre spatiale : la portée géographique restreinte. Cette dernière limite a été levée par le développement d’un programme de recherche à l’échelle Nouvelle-Aquitaine « Les sentinelles du climat ». Ce programme multi-partenarial a été lancé en 2017 et associe le Conservatoire botanique national du Massif central à celui du Sud-Atlantique pour le suivi (basé sur une méthodologie commune) de tourbières, de hêtraies, de landes et de pelouses psychrophiles.
Olivier NAWROT / CBN Massif central
Ce projet a été réalisé avec le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine