Herbiers du diocèse du Puy-en-Velay

Le diocèse du Puy - ce n’est un secret pour personne -, abrite bien des trésors ! Parmi les Bibles, manuscrits et autres grimoires, la bibliothèque du Grand Séminaire conserve, en ses murs séculaires, cinq herbiers qui attirent l’attention, tant par leur contenu botanique que par leur voyage historique à travers les siècles …
Bien plus qu’une simple collection de plantes rassemblées avec amour par un professeur de passage au Séminaire du Puy (probablement dans les années 1820 ), ils s’inscrivent dans l’Histoire même du Velay, par les documents qui ont servi de support à ces collections.
En effet, il n’est pas rare de trouver des livres de cette époque qui ont eu « plusieurs vies ». Remplois bien utiles dans des temps où le papier était rare. A ce titre, faisons un petit focus historique sur deux de ces herbiers.
Le premier, un manuscrit relié avec couverture en parchemin, s’est baladé à travers les époques en endossant à chaque étape une caractéristique différente.
Dans un premier temps, il semble que le document ait été « l’inventaire des meubles et effets de la Marguillerie de Saint Pierre le Monastier fait suivant les délibérations de messires les marguilliers ». Débuté le 22 avril 1695 et achevé en 1784, de nombreuses pages ont été « réquisitionnées » par la suite pour accueillir les plantes devenant ainsi illisibles. Toutefois, le document originel garde les listes des divers marguilliers et leurs signatures tout au long de la période. Enfin, des pages provenant d’un livre de compte, collées sur les feuilles de l’inventaire originel (pour recevoir des plantes supplémentaires), s’ajoutent à ce magma d’utilisations (et d’informations !)
Le second ouvrage qui nous intéresse (M 6004 – 2) conserve quant à lui des caractéristiques étonnantes. Littéralement, il offre au lecteur deux sens de lecture ! Contrairement à l’herbier précédent, ces différentes utilisations restent toutes, en grande partie, visibles et accessibles.
Ce document est d’abord un « cadastre des mandements de Taulhac, Bousit, Charentus et Dolezon » (sic) composé au XVIIe siècle. A ce titre, il comporte donc de précieuses informations pour les historiens, notamment des noms de personne, de lieux et parfois des commentaires. Il est de plus découpé en forme de répertoire, qui semble n’avoir aucun lien avec le cadastre ou l’herbier … Et dès la page 19 du manuscrit, des notes d’une écriture typique du XIXe siècle (autre que celle de notre botaniste amateur) apparaissent, à propos d’une créance… Au final, au moins trois vies pour cet herbier ! Cadastre, cahier de notes, herbiers (et répertoire ?).
***Ces « petits » herbiers (en nombre de plantes récoltées) sont malheureusement assez abimés. Ils servaient certainement d’herbiers de travail (ce qui pourrait expliquer la réutilisation de documents plus anciens) et, de ce fait, les plantes (plusieurs échantillons d’espèces différentes sont souvent collés sur la même page) ont été souvent décollées et déplacées d’une page à l’autre d’où, sur chaque page, une profusion de dénomination de plantes dont seulement quelques-unes se rapportent aux plantes collées sur la page. De plus, et malheureusement, aucun lieu de récolte n’est indiqué (pas de date ni de nom de collecteur non plus).
Ces herbiers contiennent majoritairement des plantes vasculaires (plantes à fleurs, conifères, également fougères et plantes alliées) mais on rencontre néanmoins quelques bryophytes (mousses et hépatiques) des lichens et même quelques plantes parasitées par des champignons.
Globalement, les plantes présentées sont, pour la plupart, des espèces très communes, cependant quelques planches présentent des plantes remarquables comme le Séneçon leucophylle (Jacobaea leucophylla), récolté très certainement dans le Massif du Mézenc, le Botryche lunaire (Botrychium lunaria) ou la Nielle des blés (Agrostemma githago). On notera également le nombre important d’espèces potagères ou horticoles : Ephémère de Virginie (Tradescantia x andersoniana), Phlox paniculé (Phlox paniculata), Haricot écarlate (Phaseolus coccineus), Fraisier de table (Fragaria x ananassa), Belle de nuit (Mirabilis jalapa), Lentille (Lens culinaris), Estragon (Artemisia dracunculus), Armoise absinthe (Artemisia absinthium), Rose de Noël (Helleborus niger), Hémérocalle jaune (Hemerocallis flava), Glaïeul commun (Gladiolus communis), Nigelle de Damas (Nigella damascena)… Même si certaines plantes ont dû être récoltées en Haute-Loire (le Séneçon leucophylle en est un bon exemple), ces herbiers ont dû être constitués par échange avec des récoltes provenant d’autres régions françaises, on note en effet plusieurs espèces absentes de Haute-Loire comme la Gentiane acaule (Gentiana acaulis), la Linaire des Alpes (Linaria alpina) ou l’Aster des Alpes (Aster alpinus).
C’est l’herbier collé sur le « cadastre des mandements de Taulhac, Bousit, Charentus et Dolezon » qui nous semble en meilleur état de conservation. C’est également celui dans lequel une certaine logique de classement est visible tandis qu’il renferme également quelques belles planches, notamment celle concernant le Séneçon leucophylle.
Cécile Glaise (Association diocésaine du Puy) et Philippe Antonetti (Conservatoire botanique national du Massif central)
Novembre 2017