Quelle est ta flore et je te dirai ton âge...
Les forêts anciennes sont définies comme celles n'ayant pas subi de défrichement dans leur histoire (indépendamment de la gestion sylvicole). La biodiversité y est alors spécifique : en effet, la continuité temporelle du couvert forestier permet la présence d'espèces que l'on n'observe que rarement dans les jeunes forêts ayant recolonisé d'anciennes terres agricoles. L’abondance de ces espèces typiquement forestières peut être un bon indice de l’ancienneté de la forêt. Plusieurs travaux mettent en évidence dans d’autres régions des listes d’espèces végétales indicatrices d’ancienneté, mais aucune n’est adaptée pour le Massif central.
C’est dans cette perspective que Léo Malzieux, étudiant en Master 2 à l’université Joseph Fourier de Grenoble, a travaillé à l’élaboration d’une liste d’espèces vasculaires indicatrices de forêts anciennes pour Massif Central, sous la coordination de Benoît Renaux. À cet effet, il a analysé 664 relevés phytosociologiques forestiers réalisés par les botanistes du CBNMC et ses correspondants, et comparé la fréquence statistique des espèces en contexte ancien et récent. L’ancienneté des forêts a, quant à elle, été prouvée sur la base des cartes de l’Etat-major réalisées au milieu du XIXe siècle, c’est à dire à l’époque où le recul des forêts était maximal.
Six grands types de forêts et 102 espèces fréquentant ces milieux qu’ils soient anciens ou récents, ont été analysés. Les espèces typiques des forêts anciennes possèdent souvent une faible capacité de dispersion, ce qui les empêche de recoloniser rapidement une jeune forêt. Ce sont, le plus souvent, des espèces de sous-bois. On peut citer parmi elles l’Ail des ours (Allium ursinum), l’Arum tacheté (Arum maculatum), les Fétuque des bois (Drymochloa sylvatica) et hétérophylle (F. heterophylla), l’Aspérule odorante (Galium odoratum), la Luzule des bois (Luzula sylvatica), la Mélique uniflore (Melica uniflora), le Sceau de Salomon multiflore (Polygonatum multiflorum) ou encore parmi les fougères les Dryopteris des Chartreux (Dryopteris carthusiana) et écailleux (D. dilatata). Fréquemment citée dans les études hors Massif central, l’Anémone des bois (Anemone nemorosa) est également indicatrice d’ancienneté, mais uniquement à l’étage collinéen : son abondance dans les landes de l’étage montagnard la rend en effet plus fréquente en altitude dans les forêts récentes, qui ont recolonisé des landes après abandon du pâturage.
À l’inverse les espèces de forêts récentes sont pour la plupart des espèces de demi-ombre et d’ourlet, plus pionnières, ou relictuelles d’un stade antérieur à la forêt. On peut citer notamment l’Angélique des bois (Angelica sylvestris), le Genêt à balais (Cytisus scoparius), la Stellaire holostée (Stellaria holostea), le Gaillet des rochers (Galium saxatile), la Houlque molle (Holcus mollis) ou encore la Germandrée scorodoine (Teucrium scorodonia)...
Benoît Renaux et Léo Malzieux
(CBN Massif central)