Connaissance de la dynamique d’évolution des forêts alluviales du val d'Allier et élaboration d’une stratégie de gestion
Les forêts alluviales du Val d’Allier font depuis 2016 l’objet de travaux de caractérisation écologique sur 10 tronçons, répartis entre le sud de la Nièvre en aval et le nord de la Haute-Loire en amont.
Les Conservatoires d’espaces naturels de l’Allier et d’Auvergne se sont penchés sur la caractérisation et l’évolution des compartiments hydro-géomorphologiques, ainsi que sur l’évolution de la proportion de forêts, fourrés et milieux ouverts. En effet, le paysage alluvial a considérablement changé au cours des deux derniers siècles, en particulier suite à des modifications d’usage du sol et de la rivière elle-même. Alors que les cartes anciennes, notamment de l’État-major (1825-1866), montrent que les forêts alluviales avaient été quasiment éradiquées par les défrichements successifs, celles-ci ont progressivement recolonisé une partie des milieux délaissés par l’agriculture. On observe notamment la reconstitution de forêts alluviales à bois dur sur les terrasses alluviales non soumises aux crues les plus perturbatrices mais sujettes à des inondations temporaires, avec un courant lent qui permet le dépôt d’alluvions et de débris végétaux sans arracher les arbres, ce qui permet aux essences les plus longévives de s’installer.
Cet habitat remarquable, l’un des deux types de forêts les plus menacés à l’échelle européenne d’après la récente liste rouge européenne des habitats, ne s’exprime plus le long de nombreux grands cours d’eau d’Europe, du fait d’une perte parfois totale de fonctionnalité alluviale (régularisation des fleuves pour les rendre navigables). Il est donc remarquable de pouvoir en observer le retour le long d’un cours d’eau qui a conservé une part importante de sa fonctionnalité hydrologique.
En collaboration avec les Conservatoires d’espaces naturels, le Conservatoire botanique national du Massif central étudie les caractéristiques floristiques et dendrologiques des habitats forestiers de chaque compartiment hydro-géomorphologiques, au moyen de placettes réparties le long de transects perpendiculaires à l’Allier. En plus de la réalisation de relevés floristiques et phytosociologiques , l’analyse de la structure des peuplements forestiers, notamment des essences dominantes, de la présence de très gros arbres vivants et de gros arbres morts, permet de caractériser leur maturité écologique, maturité dont dépend une biodiversité aussi menacée que typiquement forestière. Sur les terrasses non soumises aux crues les plus perturbatrices, la canopée des stades matures est constituée d’essences à bois dur (Chêne pédonculé notamment, mais aussi Orme lisse, Érables, Tilleul à grandes feuilles, Frêne commun…). Ceux-ci sont encore rares, mais on observe la maturation progressive des stades pionniers dominés par des peupliers noirs de grande dimension (certains arbres dépassent 130 cm de diamètre). Cette maturation écologique se traduit aussi par la présence de vieux arbres et de volumes parfois importants de bois mort, particulièrement favorable à la biodiversité, puisqu’entre 1/3 et 1/4 des espèces forestières dépendent de ces microhabitats. Au contraire des forêts à Saule blanc et Peuplier noir situées davantage au contact de la rivière, ces forêts à bois dur sont beaucoup moins colonisées par des espèces exotiques envahissantes, le couvert forestier jouant alors un rôle crucial dans le contrôle de ces espèces.
L’analyse des actions déjà réalisées et de la localisation des forêts les plus remarquables doit permettre d’orienter les actions de préservation à venir. Si la garantie d’une dynamique libre au contact du fleuve est importante, celle d’une dynamique forestière libre, y compris sur les niveaux rarement remobilisés par la mobilité de l’Allier, l’est tout autant. À l’avenir, l’installation de placettes permanentes permettra le suivi de l’état de conservation des peuplements les plus remarquables, mais aussi de mieux comprendre le fonctionnement du cycle sylvigénétique dans ce type de forêt.
Benoît RENAUX, CBN Massif central