Des invasions à travers monts et marées…
Sous l’effet des aléas climatiques, de la dérive des continents, ou encore de l’évolution, les espèces animales et végétales ont de tous temps traversé le globe, générant cette incroyable diversité des formes de vie que nous connaissons aujourd’hui ou, à l’inverse, créant des vagues d’extinctions épisodiques. Ce phénomène n’est pas nouveau mais, avec le développement du commerce et la mondialisation des échanges, l’homme a démultiplié les capacités des formes de vie, à investir de nouveaux territoires au détriment de la faune et de la flore autochtones. Et s’il est vrai que seules quelques-unes parviennent véritablement à se naturaliser, leurs effets peuvent être particulièrement dévastateurs. On se souviendra, à cet égard, des effets tragiques du Phylloxéra sur les vignes européennes au XIXe siècle ou encore de l’arrivée du Rat noir en Europe au Moyen Âge, à l’origine de profonds bouleversements écologiques, économiques et sanitaires. Ainsi, aujourd’hui, les phénomènes d’invasion biologique figurent parmi les menaces les plus sévères pesant sur la biodiversité mondiale.
La flore n’est pas en reste et les exemples français ne manquent pas : l’arrivée, à la fin des années 1990 de Caulerpa taxifolia, plante utilisée en aquariophilie, dans les fonds marins de Monaco est aujourd’hui responsable de la disparition des herbiers de Posidonie et de leur faune à travers toute la Méditerranée. La Jussie à grandes fleurs, échappée des bassins ornementaux, constitue un second triste et célèbre exemple en colonisant de nombreux cours d’eau, lacs et étangs européens au détriment de la faune et de la flore…
Alertés au fur et à mesure des effets négatifs causés par ces invasions, les pouvoirs publics et de nombreux organismes mondiaux de préservation de l’environnement ont développé des politiques adaptées visant, d’une part, à améliorer les connaissances des espèces envahissantes et des phénomènes d’invasions, d’autre part, à éradiquer les populations d’espèces susceptibles d’apporter de sévères atteintes environnementales, sanitaires ou économiques. En France, depuis plusieurs années, le Ministère en charge de l’écologie s’appuie sur les Conservatoires botaniques nationaux (à propos de la flore) et le Muséum national d’Histoire Naturelle (à propos de la faune) pour faciliter la coordination des différentes missions réalisées par les établissements publics de l’État et les autres organisations impliquées dans les sujets relatifs aux espèces exotiques envahissantes. Agréés par l’État pour exercer une quadruple mission d’inventaire, de conservation, d’expertise et de sensibilisation en matière de flore, de végétation et d’habitats naturels, les conservatoires botaniques nationaux jouent, en effet, un rôle majeur dans la surveillance de l’évolution de cette flore exotique envahissante. Récemment, sous la coordination de leur Fédération, les Conservatoires botaniques nationaux ont ainsi participé à la mise à jour des connaissances des différentes espèces exotiques envahissantes et collaboré à la réalisation de fiches et de cartographies détaillées (http://www.fcbn.fr/ressources-telechargeables). Ils ont également, à la demande du Ministère de la Santé et en partenariat avec l'Observatoire des Ambroisies, apporté un appui technique (centralisation et fournitures de données cartographiques…) considérable dans la connaissance et la lutte contre la prolifération des Ambroisies et élaboré un état des lieux de la présence de l’Ambroisie en France.
Les espèces exotiques envahissantes du Massif central, sous l’oeil attentif du Conservatoire botanique national…
À l’échelle du Massif central, le Conservatoire botanique s’est très tôt investi sur l’amélioration des connaissances des espèces exotiques envahissantes en centralisant les données cartographiques collectées à l’occasion des ses inventaires généraux et en réalisant notamment pour l’Agence de l’eau Loire-Bretagne plusieurs inventaires spécifiques aux espèces exotiques envahissantes. Il dispose aujourd’hui de nombreuses observations lui permettant d’hiérarchiser les priorités d’interventions des gestionnaires et des pouvoirs publics. Cette hiérarchisation distingue notamment les espèces émergeantes, les espèces à surveiller et les espèces à comportement envahissant avéré et, parmi elles, détecte les espèces encore peu implantées, susceptibles de causer des dégâts irrémédiables, et pouvant encore être facilement supprimées.
En Auvergne, par exemple, cette flore se concentre principalement dans les plaines davantage urbanisées, rudéralisées et traversées par des voies de communication. Certaines plantes envahissent les voiries comme le Séneçon du Cap (Senecio inaequidens) ou le Sporobole d’Inde (Sporobolus indicus). La Jussie à grandes fleurs (Ludwigia grandiflora), le Grand lagarosiphon (Lagarosiphon major) ou l'Égérie dense (Egeria densa), récemment arrivés dans les eaux de la Loire, de l’Allier ou du Cher, parviennent à évincer la flore locale et, avec elle, de nombreuses espèces déjà menacées. Il ne faut pas oublier également les Renouées asiatiques très présentes sur le Massif central qui ont un impact important sur le paysage et les communautés végétales.
Si cette importante base de connaissances met en évidence le rôle majeur des réseaux routiers dans la propagation des espèces exotiques, signalons la volonté des trois Directions interrégionales des routes intervenant sur le Massif central (DIR Centre-Est, DIR Massif central, DIR Centre-Ouest), et celle de nombreux Services départementaux des routes de se rapprocher du CBN Massif central pour informer et former les agents routiers à la reconnaissance et à la prise en compte de ces espèces dans le cadre des actions d’entretien des voiries. À titre d’exemple, entre 2010 et 2012, les populations d’espèces exotiques envahissantes installées sur 380 km de réseau routier de Haute-Vienne ont été cartographiées en parallèle des recensements d’espèces protégées. Un réseau de collecte de données a d’ailleurs été mis en place avec les CPIE et associations locales.
Des listes d’espèces exotiques envahissantes ont été élaborées il y a maintenant quelques années dans chaque région du territoire d’agrément du Conservatoire botanique du Massif central, et notamment en Auvergne dans le cadre du Groupe régional Auvergne plantes exotiques envahissantes (GRAPEE), animé par le CEN Auvergne et auquel le Conservatoire botanique est fortement associé. À la demande des DREAL, ces listes devraient être actualisées et hiérarchisées prochainement dans les régions Limousin et Auvergne par le Conservatoire botanique.
L’Ambroisie à feuille d’armoise, enjeu de santé publique…
Originaire d'Amérique du Nord et apparue en France dans le département de l’Allier en 1863, vraisemblablement introduite par un lot de semences fourragères, cette plante s’est considérablement développée sur le territoire français (www.ambroisie.info) et sur le Massif central. Son pollen provoque, chez 6 à 12 % de la population, de nombreuses pathologies (rhinite, conjonctivite, trachéite, asthme, urticaire…). Les symptômes sont d'autant plus prononcés que le taux de pollen dans l'air est élevé. Consciente des effets sur la santé publique et des dépenses nécessaires pour y pallier, et suite à la prise récente d’arrêtés départementaux de destruction de l’Ambroise dans les départements du Cantal, de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme (plus ancien, l’arrêté dans le département de l’Allier date de 2005), l’Agence régionale de Santé Auvergne a souhaité suivre l’évolution de la répartition de la plante afin d’encourager des politiques de lutte adaptée (www.ars.auvergne.sante.fr/L-ambroisie.141601.0.html). À cet effet, le CBN Massif central centralise les informations cartographiques issues de son réseau d’observateurs. Le bordereau utilisé pour le levé d’informations est disponible en téléchargement sur le site internet www.cbnmc.fr. Chacun peut, s’il le souhaite, participer à cet inventaire d’intérêt public en complétant et en renvoyant le formulaire, et d’une manière générale, en communiquant au CBN Massif central les localisations de toute espèce exotique envahissante, voire une simple photo géolocalisée prise avec un téléphone portable !