Laurent Seytre, un botaniste passionné
Né le 19 mars 1968, Laurent cultive, dès son enfance, un goût prononcé pour la nature, au gré des randonnées familiales et des cueillettes de champignons. En quête d'un métier toujours plus proche de la faune et de la flore forestières, sa passion le conduit à engager de longues études jusqu'à devenir, en 1993, ingénieur agronome (INA PG) puis, en 1994, ingénieur civil du GREF, avant de rejoindre l'Office national des forêts en tant qu'ingénieur chargé d'études, en 1996.
Déçu par son poste qu'il juge alors trop éloigné du terrain, malgré son cadre de travail magnifique que constituent les Gorges du Verdon, il rejoint rapidement l'équipe du Centre régional de phytosociologie et du Conservatoire botanique national de Bailleul, en 1997, sous l'égide Jean-Marie Géhu, Vincent Boullet et Françoise Duhamel. De plans de gestion en études typologiques, de diagnostics écologiques en cartographies d'habitats, Laurent étend considérablement ses connaissances botaniques au profit d'actions de préservation de la flore forestière, humide et littorale de l'Avesnois, du Boulonnais, de l'Audomarois, des vallées de la Scarpe et de l'Escaut, de la Côte d'Opale... Ses connaissances l'amènent à mener la cartographie détaillée et évolutive des milieux naturels du Boulonnais qui l'occuperont deux ans.
En 2002, il quitte le littoral et les massifs forestiers du nord de la France pour rejoindre les prairies fleuries altiligérienne, au sein du jeune Conservatoire botanique national du Massif central, à Chavaniac-Lafayette. Les narces et marais de la Haute-Loire constituent son premier terrain de jeu. Des monts du Cantal et de la Madeleine aux tourbières du Forez, des landes de la Margeride aux coteaux calcaires de l'Allier, les missions confiées par le Conservatoire botanique l'amènent à parcourir le Massif central, à sa plus grande satisfaction. À l'image de son herbier qui s'étoffe de centaines nouvelles parts, la botanique et la phytosociologie prennent une place croissante dans sa vie, tant professionnelle que personnelle. Il consacre alors la majorité de son temps à l'étude fine (caractérisation) de milieux qui font la singularité du territoire, en particulier en Auvergne tels les landes sèches de l'Allier, les pelouses alluviales, les prairies d'altitude, les mares temporaires des chaux basaltiques, les végétations des falaises, les hêtraies d'altitude et les forêts d'éboulis, ou encore les bas-marais à Choin noirâtre...
En 2012, alors Coordinateur scientifique au Conservatoire botanique, il s'engage dans une thèse de doctorat au moment où la maladie le frappe sans prévenir, le contraignant à renoncer, sans avoir le temps de partager les connaissances acquises en quinze années de pratique et plus de 200 publications, articles et rapports à son actif.
Voyageur, sportif, Laurent exerçait sa passion avec pudeur et discrétion, au fil des innombrables randonnées pédestres à travers les montagnes auvergnates qui remplissaient également son temps libre. Si son importante connaissance de la flore forçait le respect, il savait néanmoins la partager avec humilité et prudence. Attentif, loyal, Laurent constituait l'un des piliers de l'équipe du CBN qui perd aujourd'hui non seulement un collègue, un grand botaniste mais aussi un ami. Ses collègues l'appréciaient pour sa sincérité, sa sympathie et sa bienveillance naturelles, son attention permanente pour les autres. Les cartes postales de ses nombreux voyages au Cambodge, au Laos, à Cuba, au Chili, en Suède parsèment encore les murs du Conservatoire et témoignent de l'importance de cet établissement dans sa vie.
Érudit, artiste dans l'âme, sensible à la beauté du monde, Laurent aimait partager dans les couloirs du CBN, un chocolat chaud à la main, ses goûts par la musique classique, le jazz, la peinture, le cinéma... Des festivals de musique tels celui de la Chaise-Dieu aux galeries d'art parisienne, Laurent savait communiquer son admiration pour les grands compositeurs, les peintres impressionnistes dont les oeuvres l'ont soutenu dans ses moments les plus difficiles.
D’humeur constante, Laurent apparaissait toujours serein et de bonne humeur ; sa combativité extraordinaire face à la maladie nous impressionnait tandis que nous avions le secret espoir qu’il conjurerait le sort et ferait mentir les pronostics, jusqu'à sa disparition, le 8 décembre 2016.