Redécouverte de Dryopteris remota dans le département du Rhône !

Dryopteris remota (A.Braun ex Döll) Druce, 1908, la Fougère à pennes espacées, est un ptéridophyte rare en France métropolitaine. Elle est connue des massifs vosgien et jurassien, du Massif central, de la Haute-Savoie et du sud-ouest de la métropole de Lyon. D’affinité boréo-montagnarde, cette espèce possède une répartition euro-caucasienne et s’observe à des altitudes variant de 50 à 1400 mètres. Se développant aux abords de ruisseaux ou de sources, dans des milieux à forte hygrométrie ambiante, on l’observe sur notre territoire en sous-bois herbacés acidiphiles sur un substrat souvent frais à humide, au sein de Hêtraies-sapinières ou encore dans des Aulnaies-frênaies. Morphologiquement proche de Dryopteris carthusiana (Vill.) H.P.Fuchs, 1959, la Fougère des Chartreux, qui est commune, elle s’en différencie toutefois aisément par ses frondes semi-persistantes en hiver et par la tâche noire qui se situe sur la face inférieure de la penne, au niveau de l’insertion sur le rachis.

Inféodée à des habitats faiblement exposés à l’anthropisation et aux aménagements, la Fougère à pennes espacées n’est pas considérée comme menacée en France métropolitaine mais les effectifs de la grande majorité des populations répertoriées sont faibles voire très faibles (quelques individus à quelques dizaines d’individus). L’ex région Auvergne abrite d’assez nombreuses localités concentrées sur l’ouest du Cantal, le sud-ouest du Puy-de-Dôme ainsi que sur dans le massif du Livradois (une localité dans les Bois noirs, côté Puy-de-Dôme), d’où son absence de la Liste rouge régionale d’Auvergne). En outre, les populations sont peu nombreuses dans l’ex région Rhône-Alpes (l’espèce figure sur la Liste rouge de Rhône-Alpes au titre de la catégorie « en danger »). L’espèce est connue de la Haute-Savoie (deux localités), de la Loire avec une localité dans le massif du Livradois (Bois noirs, côté ligérien) et deux localités dans le Massif du Pilat (lieudit Rochetaillée et sources du Giers près du Crêt de la Perdrix). Jusqu’alors, dans le département du Rhône, deux populations réduites, composées de quelques individus chacune, avaient été observées sur le versant nord du Pilat (dans la continuité des populations ligériennes) à Longes (Marc Philippe, 2004), ainsi que dans les Monts du Beaujolais, à Grandris (Jean-François Thomas, 2010). Toutefois, l’espèce n’y a pas été revue ces dernières années. La Fougère à pennes espacées a par ailleurs fait l’objet de mentions historiques considérées jusqu’alors comme douteuses en amont des Gorges de la Loire (Saint-Just-Saint-Rambert) et sur le plateau Lyonnais (Dardilly, Charbonnière-les-bains). L’herbier Boissier à Lyon contient notamment une planche d’herbier provenant de cette localité lyonnaise, observée par Claude Thomas Alexis Jordan (1814-1897). Ces dernières décennies, les efforts de recherche d’un certain nombre de botanistes dans les communes de Dardilly et de Charbonnière-les-bains n’avaient pas permis de retrouver et de confirmer cette localité.

“ Il s’agirait d’une des populations françaises
les plus importantes connues actuellement... ”
En 2019, dans le cadre de la Convention pluriannuelle d’objectifs avec la région Auvergne - Rhône-Alpes, le Conservatoire botanique national du Massif central a exploré les nombreuses zones de sources des vallons encaissés de Dardilly et des alentours. Et c’est finalement à la source d’un vallon que la Fougère à pennes espacées fut redécouverte ! La population s’étend sur près de 300 mètres de long, sous une chênaie acidiphile ; 178 touffes y ont été comptées. Elle y pousse en compagnie d’autres fougères : Dryopteris filix-mas, Athyrium filix-femina, Dryopteris dilatata, Dryopteris carthusiana et Dryopteris affinis subsp. borreri. En raison du nombre d'individus qu'elle abrite, il s’agirait d’une des populations françaises les plus importantes connues actuellement. En effet, la majorité des populations françaises présente des effectifs souvent faibles. Ainsi, ce site majeur pour l’espèce en région Auvergne-Rhône-Alpes revêt une importance particulière pour sa conservation à l’échelon régional. La principale menace pesant sur cette localité est l’éclaircissement du boisement, voire sa coupe à blanc. En effet, la Fougère à pennes espacées est particulièrement sensible à la baisse de l’hygrométrie ambiante, le caractère confiné du milieu étant l’un des paramètres déterminants pour le maintien de l’espèce.
Aurélien LABROCHE, Conservatoire botanique national du Massif central.
Jean-François CHRISTIANS, botaniste correspondant.