Suivi de la biodiversité forestière
Une biodiversité forestière du Massif central à surveiller, préserver et à valoriser
Une biodiversité forestière du Massif central à surveiller, préserver et à valoriser
Occupant un tiers de la surface du Massif central, les massifs forestiers et notamment les plus anciens d’entre eux constituent 60 % des réservoirs de biodiversité potentielle du Massif central (IPAMAC 2011). Ils concentrent le tiers de la flore vasculaire (près de 1 500 espèces), la moitié des mousses (plus de 500 espèces) ou encore les trois quarts des champignons du Massif central, non seulement les champignons mycorhiziens qui vivent en symbiose avec les arbres, mais aussi ceux qui décomposent le bois mort. Les dernières études phytosociologiques (2023) listaient plus d’une centaine de types de végétations forestières, des forêts alluviales bordant les cours d’eau aux forêts rupestres. Toutefois, rares sont les forêts pouvant s'enorgueillir d'un patrimoine et d'un fonctionnement proches des forêts naturelles originelles qui couvraient jadis le Massif central, il y a plus de 8 000 ans. Un tiers des forêts actuelles seraient anciennes, avec de fortes disparités en fonction des territoires, et à peine 1% d’entre-elles présenteraient un caractère naturel (forêts matures caractérisées par de vieux arbres et un volume de bois mort très élevé). Ces dernières constituent des hauts-lieux de la biodiversité en hébergeant des espèces qui ne se rencontrent que rarement ailleurs : (plantes à bulbe, à rhizome ou à faible capacité de dispersion ; bryophytes (mousses, hépatiques…), champignons et lichens liés au bois mort…).
Après plus d’un siècle de répit ayant permis de voir leur surface et leur maturité augmenter (triplement des surfaces depuis le milieu du XIXe siècle, 23 m3/ha de bois mort en moyenne, un tiers de l’accroissement annuel prélevé), les forêts du Massif central se trouvent au centre de courants antagonistes. D’un côté, elles pâtissent du dérèglement climatique (augmentation de 54% des dépérissements), de l’autre, elles subissent une augmentation des prélèvements (+16 % selon IGN/FCBN, 2024) visant à décarboner l’économie (matériaux et énergie). En intensifiant les volumes prélevés et en raccourcissant les périodes de récolte, en exploitant les bois, les bosquets, les forêts linéaires, jusqu’alors sans valeur marchande, cette nouvelle sylviculture est source de changements profonds au cœur même des paysages, des végétations et de leur flore. Les coupes rases suivies de plantations d’essences généralement exotiques, se développent de manière significative (87 % des plantations du plan de relance) au détriment de forêts anciennes d’essences locales. Ces plantations souffrent pourtant tout aussi bien des canicules et un tiers est voué à l’échec. Nommé autrefois à juste titre « Monts chauves », le Massif central porte pourtant encore les cicatrices d’une surexploitation de l’ensemble de ses ressources forestières. Et à l’aube de ces profonds changements, les études portant sur la végétation et l’histoire forestière du territoire, en particulier autour des « forêts anciennes », ont permis d’apporter de précieux enseignements sur l’impact des déboisements passés.
Dans le même temps, la forêt connaît un regain d’intérêt de la part des citoyens. Outre le souci d’exercer certains loisirs et de maintenir un cadre de vie de qualité, une part croissante de la société civile souhaite contribuer à la gestion des forêts. Parmi les gestionnaires forestiers et naturalistes, l’acceptation de la libre évolution et d’une nature forestière sauvage croît et nombreux sont ceux désirant contribuer à la préservation de la biodiversité. En conséquence, de nombreuses parcelles (+ 1139 ha/an) ont été préservées par leurs propriétaires, auxquelles il convient d’ajouter celles protégées par les Conservatoires d’espaces naturels et autres associations. Le fort attachement des citoyens aux forêts et à leur cadre de vie ne peut que constituer un levier puissant pour accompagner les travaux du Conservatoire botanique et la filière sylvicole de production de bois vers une meilleure prise en compte de la biodiversité à la lueur des connaissances scientifiques les plus récentes.
Face à la transformation des peuplements d’essences autochtones en plantation monospécifiques à courte rotation, à la perte du microclimat forestier lors des coupes rases et à la simplification de la structure forestière, les craintes d’une perte de surface importante de forêts d’essences autochtones et de biodiversité forestière (plantes à bulbes, mousses, lichens, champignons) sont fortes et légitimes. La perte de compétences techniques en gestion sylvo-environnementale (simplification des itinéraires) et la disparition des petites scieries adaptées aux gros bois, la multiplication des incendies ou des travaux du sol constituent également d’autres craintes. Enfin, les peuplements matures, notamment en forêts anciennes (vieilles forêts) sont à la fois susceptibles d’être perdus du fait de l’absence de statut de protection et de leur méconnaissance, mais peuvent aussi être préservés du fait des nombreuses initiatives en faveur d’une libre évolution.
À ces égards, une amélioration du niveau de protection des forêts (notamment périurbaines ou à fort enjeu écologique) par la désignation d’îlots de vieillissement et de réserves forestières ainsi qu’une valorisation des pratiques sylvicoles vertueuses constituent des enjeux très forts. La prise en compte de ces enjeux peut être abordée par la montée en compétence des gestionnaires en techniques de sylviculture prenant en compte les enjeux environnementaux et agrosylvopastoraux (notamment pour les espaces bocagers), l’adaptation des pratiques de gestion forestière aux enjeux locaux (forêts anciennes, matures, habitats ou espèces rares, paysages remarquables…), le dimensionnement de l’approvisionnement en bois selon les capacités naturelles de la forêt (besoin en bois énergie estimé à 120 Mm3/an en 2050 contre 89 Mm3/an produit naturellement), ou encore l’accompagnement de filières permettant de valoriser les gros bois d’essences autochtones... Le développement d’ateliers de formation et d’appuis techniques (conseils) sont dès lors fortement attendus. Cet enjeu ne peut être pleinement pris en compte sans une attention particulière aux attentes des habitants non professionnels : le développement de groupements forestiers citoyens mérite d’être accompagné tout comme une montée en puissance de l’information des habitants sur les différentes formes de gestion forestière écologique.
Outre la flore, le CBN devra apporter une attention particulière à l’identification et la préservation du patrimoine fongique forestier, aujourd’hui situé à la croisée du dérèglement climatique et de l’intensification des pratiques sylvicoles et de cueillette qui répondent aux nouvelles demandes filières industrielles du territoire.