Suivi des écosystèmes humides

Suivi des écosystèmes humides

Un investissement du CBN plus fort en faveur des zones humides du Massif central

Des lacs du Cézallier aux cours d'eau méditerranéens temporaires, des tourbières du plateau de Millevaches aux sources salées de la Limagne, les zones humides sont particulièrement diverses et constellent les paysages du Massif central à travers un maillage dense. Un très grand nombre de cours d’eau y prennent leur source avant de se répartir entre les bassins du Rhône, de la Loire et de la Garonne… Leur recensement et leur cartographie demeurent complexe et fastidieux et les estimations de leur surface cumulée oscillent entre 1 et 6% du Massif central. En Limousin, elles couvrent, selon nos propres inventaires, 1 à 2% de ce territoire (20 000 ha), principalement sous forme de jonçaies (40%) et de forêts humides (15%) en Haute-Vienne, ou de tourbières diverses (27%) notamment sur le plateau de Millevaches. Dans le Rhône, l’Ardèche et la Loire, elles occupent plus de 35 000 ha (soit 2.5 % de ce territoire, selon le CEN Rhône-Alpes) avec certaines spécificités comme les canyons des Cévennes, les étangs du Forez, les mares temporaires sur le plateau basaltique du Coiron ou encore les tufs et travertins calcaires dans le Bas-Vivarais. En Auvergne, leur surface est plus importante encore et plus difficile à déterminer. Les tourbières, marais et landes humides occupent de larges superficies sur les sommets et plateaux d’altitude tandis qu’en plaine, les prairies inondables et les ripisylves bordent les grandes rivières (Allier, Loire…). Entre les deux, les lacs du Cézallier et les étangs de la Sologne bourbonnaise hébergent des végétations aquatiques et amphibies particulièrement rares. En somme, la connaissance des zones humides demeure encore lacunaire malgré tout leur intérêt.

Ces milieux fragiles jouent pourtant un rôle essentiel pour la biodiversité, le climat et les sociétés humaines. Ils stockent le carbone, filtrent l’eau et contribuent à la régulation des crues. Dans un contexte de changement climatique, ces fonctions s’avèrent encore plus précieuses et leur conservation ou leur restauration paraissent indispensables. De même, par sa situation géographique particulière, le Massif central porte une grande responsabilité dans la préservation de la ressource en eau pour une large partie de la population française.

Les deux tiers des zones humides françaises ont disparu avant un renforcement de la réglementation à la fin des années 1990. Si cette dernière a permis depuis les années 90 de freiner leur destruction (comblement, drainage, assèchement) et d’améliorer la qualité de l’eau (amélioration de l’assainissement collectif et autonome), force est de constater que bon nombre de zones humides du territoire subissent toujours de nombreuses altérations, en particulier les phénomènes d’eutrophisation et de pollution par lessivage des intrants, le retournement des prairies ou l'urbanisation, et la propagation d’espèces exotiques envahissantes auxquelles vient désormais s’ajouter les impacts du dérèglement climatique. L’assèchement provoqué par l’augmentation de l’évapotranspiration et la diminution de la pluviométrie devrait être plus fort dans les années à venir. Plus largement, la mobilisation de la ressource en bois à l’échelle régionale compromet le maintien des forêts humides et ripisylves jusqu’alors épargnées : l’évolution du matériel d’exploitation, la forte demande en bois divers (trituration, plaquettes…) et l’absence de retombées économiques pour les propriétaires encouragent aujourd’hui l’exploitation de ces milieux.

Les mares de chaux basaltiques, les sources et prés salés liés au volcanisme, les gazons amphibies des lacs et ruisseaux de montagne, constituent des milieux particulièrement rares et remarquables. Leur préservation est étroitement liée à la disponibilité et à la qualité des eaux de surface. À ces égards, la préservation de ces surfaces et de leurs bassins versants ainsi que la remise en état des sources, fossés et ruisseaux permettant leur adduction est à prioriser. Ces milieux sont également susceptibles d’être ceux les plus impactés par la prolifération d’espèces exotiques et c’est donc à leur égard que le CBN doit porter ses efforts : la préservation des herbiers aquatiques d’importance communautaire constitue un enjeu fort en matière de gestion des plantes exotiques envahissantes.

À l’égard des tourbières, marais et prairies humides, l’adaptation des pratiques agricoles doit également être fortement encouragée et encadrée, en particulier sur et près des sites naturels d’importance nationale ou communautaire, en lien avec les MAEC (voir enjeu 3 sur les prairies) afin de limiter l’impact des fertilisants et des phytosanitaires sur ces milieux sensibles. Enfin, les ripisylves et les forêts humides concentrent une très forte biodiversité et exigent aujourd’hui toute l’attention des pouvoirs publics. Elles constituent l’un des deux types de forêts les plus menacés d’Europe. La présence sur le territoire de l’Allier et de la Loire, deux des dernières rivières à caractère sauvage d’Europe, ainsi que de nombreuses sources et suintements à l’origine de multiples forêts marécageuses doivent nous inciter à préserver les milieux les plus matures et fonctionnels et à restaurer ceux les plus endommagés (PNA Ripisylves du Rhône).

Mais outre la préservation des espaces, l’amélioration des connaissances sur les groupes les plus méconnus (mousses, hépatiques, lichens, champignons, algues) ainsi que la revalorisation des zones humides aux yeux des habitants et acteurs du territoire demeurent également deux autres enjeux auxquels le CBN doit pouvoir apporter des réponses. De manière plus globale, s’il s’est davantage investi ces deux dernières décennies sur les espaces agropastoraux et forestiers, un investissement plus important du CBN en faveur de la connaissance, de la préservation, de la restauration et de la valorisation des zones humides est fortement attendu.